couleurs, liants et diluants

Publié le par Xavier

4247813221_81a42de397.jpgLa frontière entre gouache et aquarelle est, du seul point de vue matériel, difficile à définir. L'une et l'autre se composent de pigments solides finement broyés auxquels on mêle un agglutinant qui permet à la fois la liaison des poudres et l'adhésion au support. Cet agglutinant demeure pour les gouaches de qualité supérieure, la traditionnelle gomme arabique - produite par plusieurs espèces d'acacias d'Afrique et d'Amérique du Nord. Les couleurs de qualité dite scolaire   se réalisent, pour la plupart, à  partir de dextrine, matière gommeuse issue de l'amidon. L'avantage de la gomme arabique sur la dextrine est d'offrir une plus grande profondeur de ton alliée généralement à un meilleur pouvoir couvrant. A ces liants s'ajoutent parfois d'autres substances propres à en retarder le dessiccation, à en améliorer la conservation ou en assouplir la texture.

     Ce qui distingue néanmoins  la gouache de l'aquarelle, tient essentiellement à son pouvoir couvrant, c'est-à-dire à sa capacité à masquer le support ou la préparation sur laquelle on la superpose. Le caractère opacifiant de la gouache tient non seulement à une quantité supérieure de pigments par rapport au liant, mais également à la présence d'agents épaississants appelés matière de charge. Celle-ci  peut être un sulfate de baryum, un blanc de craie  voire, pour les gouaches bon marché, une qualité inférieure de chaux précipitée ou une glycérine.

 

 

1 - Les couleurs

 

 

Préparer ou  acheter  la couleur

 

     Il va de soi que l'artiste peut lui-même préparer sa couleur à partir de pigments en poudre, d'un liant approprié et d'une matière de charge. Les quelques recettes qui suivent peuvent éventuellement trouver leur application.

 

Liant à la gomme arabique

Ingrédients - 1 vol. de gomme arabique en poudre

                      - 2 vol. d'eau

                       - 1/3 vol. de sucre en poudre

                       - 1 vol. de formol.

     Mêler tous les ingrédients que l'on fait fondre à l'eau chaude, au bain-marie ou au micro-onde - jusqu'à obtenir un sirop homogène. Malaxer ensuite ce mélange aux pigments - en proportion variable selon leurs qualités hygroscopiques - de façon à réaliser une pâte ni trop ferme, ni trop coulante. La bonne consistance répond à celle d'une crème un peu épaisse. Pour finir, transvaser la couleur dans de petits flacons fermant hermétiquement. On évite la dessiccation  des couleurs en les recouvrant d'un peu d'eau.

     Proportions entre liant et pigments : il n'existe pas de formule définitive précisant le rapport liant/pigment. Tout dépend en effet de la façon dont la gomme absorbe la couleur. Disons simplement qu'il convient d'ajouter le liant jusqu'à ce que la peinture soit assez coulante sans pour autant devenir trop fluide ou transparente.

     Proportions entre pigments et matière de charge : la quantité de matière de charge par rapport au pigment est tout aussi aléatoire. Elle est surtout fonction de l'intensité de la couleur et du pouvoir colorant du pigment. Plus forte est la teinte, plus forte sera la charge.

     Si l'on souhaite conserver les propriétés intrinsèques du pigment, notamment dans le cas de couleurs transparentes ou semi-transparentes - laques, phtalocyanines, quinacridones, anthraquinones... -  substituer à la traditionnelle matière de charge davantage de pigments.

 

Conditionnement

     Les couleurs proposées par les fabriquants sont aujourd'hui conditionnées ou sous forme de couleurs solides - pastilles à frotter avec le pinceau mouillé - ou de pâtes molles en tubes. Les secondes sont généralement préférables aux premières dans la mesure ou la couleur est à la fois plus facile à extraire et à mélanger. Pour un travail lavé privilégiant la transparence, les pastilles sont parfois appréciées.

     L'emploi de gouache en flacon ou en pot est surtout intéressant pour couvrir de grandes surfaces.  La couleur est alors extraite avec une spatule ou un instrument réservé à cet usage afin d'éviter de la souiller en y trempant le pinceau d'application.

     Avis : qu'on fasse usage de tubes, de pots ou de pastilles, prendre toujours la meilleure qualité. A noter d'ailleurs que certains produits bon marché ne sont pas miscibles entre eux, produisant une espèce de pâte grumeleuse impropre à toute application.

    Afin de conserver longuement vos couleurs en tubes sans qu'elles se déssèchent, il est possible de les stocker dans un bocal rempli d'eau. Les couleurs les plus siccatives comme le noir et la terre d'Ombre, ainsi que toutes celles dont vous faites un usage peu fréquent, garderont par ce moyen leur onctuosité. 

      

 

Choix des couleurs

     Le choix d'une gamme de couleurs mérite réflexion. Eviter de préférence les boîtes déjà composées, certaines couleurs s'avèrant d'un usage superflu. Choisir sa palette obéit a plusieurs exigences, généralement dictées par ses finalités. Aux critères chromatiques s'ajoutent les propriétés matérielles des pigments  : pouvoir couvrant et colorant des teintes, stabilité à la lumière et en mélange.

 

 

Propriétés des couleurs 

 

Le pouvoir couvrant

Si la principale caractéristique de la gouache par rapport à l'aquarelle est avant tout d'être un procédé couvrant, les couleurs n'en sont pas moins d'une opacité variable. Certaines teintes - blanc, ocre jaune, jaunes et rouges de cadmium, vermillon, ceruleum, cobalt... -  ayant naturellement tendance à masquer le support qu'elle recouvrent sont qualifiées de couleurs opaques. Certaines autres - laques, vert émeraude, bleu de Prusse, bleu Hoggar ou gris de Payne, terre d'Ombre naturelle... - sont, à l'inverse, beaucoup moins opacifiantes. Ces couleurs dites semi-transparentes sont employées pour des couvertures légères : eau, ciel, voile ou lavis de gouache dans les ombres. Autant de propriétés qui ont leur importance quand il s'agit de travailler en superposition ou d'obtenir certains effets.

 

Le pouvoir colorant

Parce que les pigments n'ont pas tous la même force de coloration, tous ne réagissent pas de la même façon en mélange. certaines couleurs comme les blancs, les ocres les laques carminées ou le bleu de Prusse ont naturellement tendance à prendre le pas sur les autres. Aussi convient-il d'en raisonner l'usage.

     En cas d'incertitude, le pouvoir colorant d'une teinte à la gouache se teste facilement en laissant sécher une petite tache de couleur sur une feuille de papier que l'on passe ensuite sous l'eau, pour apprécier la proportion de teinte y demeurant.

 

La résistance à la lumière

     De même que le pouvoir couvrant et colorant des couleurs varie d'une teinte à l'autre, leurs réactions à la lumière diffèrent selon la nature du pigment. Certaines teintes comme les terres résistent parfaitement à la brûlure des rayons lumineux ; d'autres, comme les laques et les teintures végétales, se dégradent plus facilement.  En général mieux vaut se méfier des roses et de leurs dérivés qui dégénèrent avec le temps.

La plupart des fabricants désignent aujourd'hui le degré de résistance par les symboles suivants :

*** : résistance optimale à la lumière.

**   : bon degré de résistance

*     : faible degré de résistance.

   Nota bene  : dans tous les cas, utiliser de préférence les pigments recommandés par les fabricants pour leur stabilité. Ce qui n'en garantit pour autant la solidité dans des conditions extrêmes d'hygrométrie, de chaleur ou d'éclairage.

 

Compatibilité en mélanges

     Toutes les couleurs ne se mélangent pas ensemble. Plomb, mercure, oxyde contenus dans les pigments composent une chimie qui, à terme, peut conduire à la destruction des teintes. S'il nous est difficile d'inventorier ici toutes les combinaisons à risque, retenons cependant qu'il convient d'éviter les mélanges de pigments à base de plomb, tel le jaune de Naples avec les sulfures : couleurs de cadmium, vermillon, outremer.

     Nota bene  : les dénominations actuelles des teintes et leurs composants ne correspondant pas toujours aux couleurs originelles auxquelles ils se réfèrent, il est, en bien des cas, possible de mélanger des couleurs anciennement réputées incompatibles sans risque d'évolution fâcheuse.

 

Liste de couleurs

     Hormis leurs vertus tinctoriales, le peintre choisit ses couleurs selon leurs qualités spécifiques : résistance du pigment à la lumière, compatibilité en mélange, opacité. Nous avons retenu ci-dessous les couleurs qui, à nos yeux, semblent les mieux appropriées, indiquant par des astérisques leur résistance à la lumière, par les lettres O(opaque) et T(transparent) leur pouvoir couvrant

 

*Blanc  : une des couleurs les plus fréquemment employées, le blanc à généralement pour double vocation d'épaissir et de nuancer les couleurs.  Parmi les deux blancs les plus utilisés, citons le blanc permanent  et le blanc de titane. Plus satiné que le premier, le titane à légèrement tendance à lustrer les couleurs.

Jaune cadmium citron : T/O***

Ocre jaune : O***

Vert émeraude : T***

Bleu ceruleum : O***

Bleu de cobalt : T/O***

Bleu outremer : T***

Bleu Hoggar : T***

Rouges de cadmium : O***

Rouge de Chine : T/O***

Ocre rouge : O***

Terre de Sienne brûlée : T/O***

Terre d'Ombre naturelle : T/O***

Noir d'ivoire : T/O***

 

 

2 - Autres substances colorantes

 

     Il est possible de joindre à la gouache d'autres substances colorantes que l'on mêle directement à la peinture ou qu'on applique en superposition. Elles ont généralement pour fonction d'approfondir un ton, d'en modifier l'aspect et./ou les qualités. S'il n'est pas de réelles restrictions dans le choix des colorants, il importe néanmoins que ceux-ci résistent à la lumière et soient aussi bien miscibles à l'eau qu'à la gomme. Retenons notamment

 

Les encres - Mélangées à la gouache ou superposées à une application gouachée, les encres - encre de Chine ou de synthèse - ajoutent à l'éclat et à la profondeur d'une couleur. Appliquées à la plume ou au pinceau, l'artiste peut également en exploiter les qualités graphiques, qu'il s'agisse de souligner un détail ou de reprendre un contour. On apprécie à cet égard les encres indélébiles qui, séchant moins vite, permettent un trait plus souple et un travail prolongé des couleurs. Veiller par contre à bien diluer les encres de Chine de crainte de véhiculer en surface certains résidus solides et de tacher par contagion les applications voisines.

     Dans une optique plus graphique, il est aussi possible de faire usage du stylo-feutre qui, appliqué en superposition à la gouache, se confond totalement avec elle. Les plus audacieux utiliseront le stabilo, en manière de glacis, sur une application claire ou blanche. La résistance de ces encres à la lumière demeure toutefois aléatoire.

 

numérisation0001-copie-3Illustration réalisée au feutre rouge sur fond jaune à la gouache.

 

Les peintures -Toutes les peintures à l'eau peuvent se mêler à la gouache. On pense d'abord à l'aquarelle qui, ajoutée directement à la couleur ou appliquée en surface, agit un peu à la manière de l'encre. Les procédés à tempera traditionnels, oeuf et colle, ou la peinture acrylique sont plus exceptionnellement requis.

 

3  - Solvants et média

 

L'eau - L'eau est naturellement le véhicule le plus utilisé dans le travail de la gouache. On en varie les proportions dans des quantités inversement proportionnelles à l'opacité et l'épaisseur de la pâte.

 

alcool - Les alcools blancs  - genre eau de vie - employés purs ou coupés d'un peu d'eau peuvent aisément se substituer à l'eau. Leur avantage est de s'écouler moins facilement et de rester en surface ; qualité appréciable lorsqu'on travaille en applications superposées de lavis gouachés, de demi-pâte ou de pleine pâte. C'est le véhicule idéal des glacis ou des jus appliqués en superposition. 

     Plus volatiles que les préparations aqueuses, les solutions alcoolisées sèchent de ce fait plus rapidement, réduisant du même coup le temps de prise des couleurs.

 

Médium pour gouache - Ces préparations vendues telles quelles dans le commerce trouvent leur principal usage pour des applications réalisées sur supports absorbants, terre cuite, carton ou bois brut. Ils évitent les craquelures de surface liées à l'absorption massive de l'agglutinant par le support. Plus généralement,  ils permettent de nourrir la pâte, de peindre en épaisseur et d'améliorer l'accroche entre les couches successives.

 

La gomme arabique - Surtout employée comme agglutinant des couleurs, lors de leur préparation, elle est parfois utilisée comme additif dans l'eau de dilution afin d'obtenir un film légèrement plus satiné.  En user toutefois prudemment : la gomme augmente de beaucoup le solubilité de la couleur gênant de ce fait l'application en couches superposées. Elle peut également, employée avec excès, provoquer l'écaillage du feuil.

     A moins qu'on ne joue de cette dernière propriété pour des effets de patine et de texture. Dans ce cas, badigeonner avec un pinceau une couche de gomme arabique sur toute la feuille. Une fois sèche, peindre dessus le motif souhaité en évitant de multiplier les couches. On observe alors que la peinture se craquelle en séchant, provoquant un effet comparable à celui d'un émail.

 

Fiel de boeuf - Ajouté à l'eau de dilution, le fiel de boeuf est surtout utilisé comme agent mouillant, facilitant l'accroche des couleurs sur un support légèrement gras ou rétif. Certains l'utilisent également en mélange avec les couleurs afin d'en retarder le séchage.

 

Colle - Afin de permettre une meilleure accroche des couleurs en épaisseur ou y mêler des ingrédients halogènes -sable, terre, paillettes... - certains artistes n'hésitent pas à mêler à la gouache des colles de type cellulosique. Une colle à bois ou a tapisserie peut, dans ce cas, faire office d'agglutinant.

 

 

 

 

 

 

 

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A
Il faudrait revoir votre copie sur la différenciation de la gouache et de l'aquarelle : "Le caractère opacifiant de la gouache tient non seulement à une quantité supérieure de pigments par rapport au liant", c'est complètement faux, c'est tout le contraire, l'aquarelle ne contient que de la gomme et les meilleurs pigments et la gouache peu de gomme, peu de pigments et beaucoup de craie. Sinon bonne initiative votre blog, mais il faudrait vérifier avant de donner des informations et d'induire en erreur. comme on dit il n'y a que ceux qui ne font rien qui se trompe. Cordialement. D.D
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J
ouais ntm
N
Avez-vous bien lu le texte ? A vous de revoir votre copie.
C
Un grand merci :-D pour ce blog sur l'usage de la gouache! On y apprend beaucoup et c'est passionnant et très clairement exposé.<br /> Grâce à vos conseils on ne peut qu'apprécier et que progresser !
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F
Merci De vos encouragements. Cordialement. F. X. D.