Phases d'exécution

Publié le par Xavier

numérisation0004Selon ses finalités et la complexité du sujet, le peintre choisit de travailler alla prima,  dans le feu de l'inspiration première, ou de développer son oeuvre en phases successives qui vont de l'étude à l'ébauche, de la peinture à fond aux retouches. Si nous avons choisi ici d'évoquer le second mode d'approche, gardons cependant à l'esprit que le développement des étapes  tel que nous le proposons répond avant tout à une construction théorique et rationnelle de l'oeuvre. Nul besoin de s'y conformer par le menu. Nul besoin de passer par l'esquisse et l'ébauche pour modeler directement son sujet, pas plus que la phase de retouches n'est véritablement indispensable.

 

1 - Mise en place

 

Dessin préparatoire. Avant d'entrer dans le vif du sujet, l'artiste est souvent amené à réaliser une série d'esquisses, études rapides ou plus longuement élaborées, destinées à noter un motif ou l'idée fugitive d'un tableau. Le ou les dessins préparatoires peuvent être tout simplement un premier croquis d'ensemble suivi, si nécessaire, d'études de détails ou de vues plus ou moins développées de cette même composition d'ensemble.

     Quoiqu'il en soit, arrêté en quelques lignes ou sous la forme analytique d'une étude globale, reste à reporter son modèle sur le support définitif. Dès lors deux options possibles : le recopier directement à main levée ou recourir à une méthode de report.

 

Méthodes de report.

La mise au carreau. Le principe consiste d'abord à quadriller le modèle et à en reporter fidèlement l'image, carreau par carreau, sur le support où l'on trace une grille similaire. Les deux grilles doivent  être sinon de même dimension du moins tracées dans une équivalence de rapports hauteur sur largeur.

 

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Dessin exécuté sur papier quadrillé afin de faciliter sa mise au carreau.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Transfert à la craie. La méthode la plus classique consiste à dessiner directement ou reporter son motif sur une feuille de papier calque dont on recouvre le revers de craie blanche ou colorée moyennement chargée. La feuille est ensuite superposée au support, la face enduite de craie contre le subjectile. Dupliquer alors son dessin à la manière d'un papier carbone en reprenant les contours et les traits principaux à l'aide d'une pointe ou d'un crayon. Pour éviter que la feuille ne bouge en cours d'opération, la fixer en marge du support sur deux de ses côtés. Les côtés volants permettent de vérifier la bonne marche du transfert au fur et à mesure de sa progression.

 

Médium privilégié de la mise en place. La mise en place sur feuille ou support vierge se fait avec n'importe quel crayon non gras : mine graphite H ou HB, crayon de couleur, pastel ou plus rarement fusain. Ce peut être aussi un lavis d'encre ou d'aquarelle voire un tracé à la plume. Eviter, en tous les cas que la couleur du marqueur ne tranche trop vigoureusement avec les teintes qu'on lui superpose au risque de la voir ressurgir sous la couche picturale. A moins qu'on en exploite précisément l'effet comme c'est parfois le cas avec la plume dont on laisse sciemment percer les contours.

 

Ebauches. L'ébauche consiste à répartir les masses d'ombre et de lumière sans se préoccuper outre mesure du détail. Elle peut être réalisée sur la surface blanche du support ou sur fond coloré, lequel peut être par ailleurs le fond définitif du tableau.

      Selon la couleur et la valeur du fond, le travail de l'ébauche peut être différent. Sur une feuille blanche ou sur un fond clair, l'ébauche consiste essentiellement à disposer les masses d'ombre que l'on dégrade progressivement du sombre au clair en diluant la couleur.

     Sur fond sombre, le peintre inverse le processus pour n'ébaucher que la masse claire des lumières.

     Sur papier ou support demi-teinte ou fond coloré, le peinte joue de la couleur du subjectile comme valeur intermédiaire entre l'ombre et la lumière. La méthode fait la synthèse des précédentes. Indiquer d'abord la masse d'ombre à laquelle répond ensuite, en dégradé, la masse de lumière.

     Quel que soit le mode d'ébauche, il va de soi que la valeur de l'ombre et de la lumière peut être plus ou moins forte selon l'intensité lumineuse souhaitée, mais également selon la densité matérielle des couches qui les constituent. Plus opaques sont les couleurs des couches subjacentes plus fortes doivent être les ombres et lumières de l'ébauche, quitte à les peindre en noir et blanc purs.

     Outre la mise en valeur du dessin, la phase d'ébauche permet éventuellement d'indiquer, en teintes lavées, la couleur des reflets ainsi que certaines modulations colorées. Quelques lavis de rouge, de bleu ou de toute autre couleur nuancent de manière indicible et sous-jacente les applications à venir.

     D'aucuns réduisent ce travail d'ébauche à quelques plages de couleurs librement brossées servant par la suite de guide à l'application opaque. Cette première étape qui consiste à distribuer les grandes zones colorées du tableau au moyen de lavis d'aquarelle, d'encre ou de gouache a pour mérite d'établir les rapports chromatiques de l'oeuvre en devenir.

     A noter qu'il n'y a pas de contradiction entre les modes d'ébauche en valeur et en couleur, qu'il est possible d'associer.

 

 

2 - Peindre à fond et retoucher

 

Peindre à fond

     Si le peintre confirmé peut aisément faire l'économie de l'esquisse et de l'ébauche, la peinture à fond constitue, à proprement parler, la phase de construction de l'oeuvre. A ce stade d'exécution, il convient surtout de répartir les grandes teintes, de modeler ombre et lumière que l'on travaille alla prima  ou en superposition à frais ou à sec. 

     Réalisée sur une ébauche en valeur, la peinture à fond peut éventuellement se réduire à une simple application de couleur en aplat monocorde ou vibrant que la valeur des ombres et des lumières sous-jacentes module par résurgence. Il convient dans ce cas de travailler en couverture fine et semi-transparente en diluant, juste autant qu'il convient, la couleur.

     Qu'il soit ou non réalisé sur fond d'ébauche, le modelé peut également se faire en graduant la couleur fraîche. Partir alors de l'ombre que l'on relie à la lumière par la valeur d'une demi teinte. A moins qu'on ne préfère appliquer d'abord une demi-teinte que l'on gradue en superposition à frais avec la couleur de l'ombre puis, en second, avec celle de la lumière. A ces deux méthodes répondent deux modes de modelé : la hachure ou la touche. 

Modelé en hachures. Le travail en hachures consiste à zébrer la surface de gros traits parallèles qui se lient d'autant mieux entre eux que l'on aura pris soin d'humidifier, à l'aide d'une éponge ou d'un vaporisateur, le support ou l'ébauche.

Modelé par touches. Plus vibrant que le précédent, le modelé par touches consiste en l'application de grosse taches de couleurs fraîches que l'on brouille entre elles par un jeu vibratoire du pinceau. C'est par excellence la technique la plus propice à traduire la vibration de l'atmosphère. Dans tous les cas, ne pas hésiter à forcer les contrastes, la couleur perdant beaucoup de son intensité en séchant.

     Le modelé sur fond sec se réalise généralement à partir d'une demi-teinte que l'on anime dans les ombres et les lumières d'un réseau de hachures parallèles croisées ou superposées de façon à obtenir différentes valeurs de clair et de sombre. Ce procédé qui s'apparente étroitement au dessin s'avère d'une plus ou moins grande finesse d'effet selon la modulation chromatique des hachures, leur densité, leur épaisseur et la consistance des couleurs. Ainsi, rien de commun entre un jeu de hachures exécuté en léger glacis d'alcool et un autre réalisé au moyen de couleurs opaques. Dans un cas le procédé sera presque invisible, dans l'autre plus nettement affirmé.

     Il est naturellement possible de substituer aux hachures une série de points ou un procédé d'estompe par frottis à sec.

 

Retoucher

     La retouche désigne différentes opérations qui vont de la transcription des détails à l'accord des parties et du tout.

Détails et accents. De par sa forte opacité, sa fluidité et sa capacité à sécher presque aussitôt, la gouache se prête volontiers à l'écriture des accents et à l'exécution des détails : fil, cheveux calligraphies, branches légères et frondaisons et de manière générale à tous sujets et motifs appliqués en surface. Ce n'est pas un hasard si la gouache fut et demeure la technique par excellence des enlumineurs et des miniaturistes.

Accord. Afin de relever une couleur affaiblie ou de l'accorder à l'ensemble, un glacis coloré peut être le bienvenu. Il assure la liaison des parties sans alourdir l'application. Il convient toutefois d'agir avec circonspection de crainte de véhiculer, avec un pinceau trop humide, les couleurs sous-jacentes. Pour des oeuvres de grand format un frottis à sec se substitue avec bonheur au glacis.

Rehauts et empâtements. Ces procédés consistent à relever les couleurs de petites touches de pâtes opaques destinées à matérialiser les brillances et les hautes lumières. Les empâtements ont également pour vocation de donner corps à la matière. 

 

numerisation0007.jpgLa queue et le camail du coq sont ici relevés de discrets empâtements afin de leur donner corps et lumière. Un glacis jaune d'encre de Chine assure l'unité chromatique de l'ensemble.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par où commencer ?

     Diificile parfois pour l'artiste amateur de savoir comment et par quelles zones débuter son tableau .

     La meilleure solution consiste, nous l'avons vu, à ébaucher en distribuant d'abord les masses colorées puis en indiquant de manière plus ou moins allusive ombres et lumières. Le peintre visualise  de la sorte la distribution chromatique des masses principales tout en préparant l'effet optique final par comparaison des tonalités et des valeurs entre elles.

     Que l'on travaille à partir d'une ébauche ou que l'on peigne alla prima,  mieux vaut généralement distribuer d'abord les grandes masses abstraites, celles du ciel et du fond par exemple. L'avantage de la méthode est d'offrir une plus grande latitude au pinceau. Débuter une nature-morte par l'objet, le vase ou le fruit, c'est fatalement se condamner à peindre la table et le fond en détourant soigneusement son motif. Ce qui signifie, en terme d'application, une restriction du geste et, visuellement, une tendance à figer la forme et à isoler le motif de son contexte.

     Ce qui est valable pour la conception globale de l'oeuvre l'est aussi pour la réalisation de ses parties. En règle générale, débuter par la masse et terminer par les détails. Le travail en est ainsi facilité et l'effet plus naturel. Parce que le point de vue, l'attention et l'intention diffèrent de l'étude particulière du détail à celle du détail intégré à l'ensemble, mieux vaut subordonner la partie au tout plutôt que le contraire. Un grain de raisin peint en étude individuelle sera-t-il tout à fait le même intégré aux lumières et aux couleurs de la grappe et du fond ? Rien de moins sûr.

     Dans le cas d'une oeuvre se composant dans l'espace, privilégier une distribution par plans, allant de l'objet le plus éloigné aux éléments les plus proches, autrement dit dans la plupart des cas, de haut en bas. Cette manière d'opérer à non seulement pour avantage de respecter le principe perspectif de la diminution progressive des corps dans l'espace mais surtout de faciliter la mise en oeuvre du sujet. Ainsi est-il plus agréable de commencer par l'arrière-plan paysagé pour finir par l'arbre mort de l'avant-scène. Inverser le processus oblige à peindre, à travers les branches de l'arbre, ciel, prairies et bosquets composant le lointain. Outre les désagréments pratiques de la manoeuvre, on voit, d'un seul point de vue esthétique, quel peut être le résultat.  Peint en manière de puzzle, parmi le branches du premier plan, le paysage au lieu de s'unifier dans les vapeurs lointaines de l'atmosphère, ne forme jamais qu'une suite, plus ou moins réussie, de morceaux séparés. Ce qui s'applique au paysage est également valable pour toute situation d'objets en superposition ou en retrait les uns par rapport aux autres.

 

numérisation0002-copie-1Détail d'une oeuvre en cours d'exécution. Les animaux, encore à l'état d'ébauche, sont matérialisés par leurs traits de contour et les valeurs de l'ombre en lavis de terre d'Ombre naturelle. Le fond plus avancé les contourne soigneusement afin de garder la valeur claire du pelage.

 

 

 

 

 

 

 

 

3  - Protection.

 

     particulièrement sensible à l'humidité, à la poussière, aux frottements, rayures et autres accidents de surface, la peinture à la gouache nécessite une protection. Celle-ci est le plus souvent réversible dans le cas d'un verre d'encadrement mais peut être aussi solidaire du feuil dans le cas d'un vernis ou d'une cire. Mais quelle que soit la solution choisie la protection se doit de répondre à différents impératifs : transparence, imperméabilité aux poussières et à l'humidité, voire pour les cires, fixatifs et vernis résistance et flexibilité en cas d'éventuelles variations du support.

 

Vernis. Afin de protéger l'oeuvre, après séchage définitif, et lui donner une profondeur proche de celle de la peinture à l'huile, les fabricants proposent de nos jours des vernis spécialement adaptés à la gouache, sous forme liquide, en flacon ou en aérosol.

Application au pinceau. Placer l'oeuvre à l'horizontale et vérifier que la surface en soit parfaitement sèche et dépoussiérée. Appliquer alors le vernis, à l'aide d'un spalter, dans la longueur en va-et-vient, puis en largeur de même façon. Croiser ensuite les passages sans revenir trop longtemps. Lorsque le vernis commence à tirer cesser l'opération.

     De manière générale il est souhaitable de passer deux ou trois couches légères plutôt qu'une seule épaisse. Pour une brillance accrue en multiplier le nombre, une seule couche fine donnant généralement un effet satiné.

     Autre précaution : ne pas trop charger sa brosse en vernis de crainte de surépaisseurs.  Exprimer, à cette fin, les soies par pression de la brosse sur le bord du récipient. Eviter également de frotter nerveusement la brosse sur le support. L'inconvénient d'une telle pratique est de faire mousser le vernis qui, chargé de bulles d'air, peut perdre de ses qualités esthétiques et protectrices.

Application par pulvérisation. A l'aérographe ou en bombe aérosol l'application se fait verticalement, de haut en bas. Dans un mouvement de va-et-vient, couvrir régulièrement la surface en évitant de passer deux fois au même endroit. Arrêter alors la pulvérisation, laisser sécher quelques minutes et renouveler, si nécessaire,  l'opération jusqu'à obtenir un film parfaitement régulier. Respecter en toute circonstance, une distance moyenne de pulvérisation d'au moins 30 cm.

 

Ciré. Moins solide que les vernis, la cire offre néanmoins un protection certaine. L'aspect légèrement satiné de son film, paraît souvent mieux adapté à la douceur naturelle de la gouache.

     Les consignes d'application sont les mêmes que celles du vernissage au pinceau, a cela près qu'on substitue au traditionnel vernis un peu d'encaustique incolore ; une encaustique à meuble à base de cire naturelle fait parfaitement l'affaire.  Il ne faut pas craindre de masser longuement le support jusqu'à totale pénétration de la cire. Laisser sécher l'espace d'une nuit, puis lustrer doucement avec un chiffon doux non pelucheux.

 

Fixatif.  La gouache peut être, en dernier ressort, protégée par un fixatif à pastel. Il est toutefois conseillé d'en user modérément de crainte d'altérer la luminosité des couleurs. On utilise de préférence un fixatif conditionné sous forme d'aérosol.

Fixatif à la gomme. Outre les solutions proposées par les fabricants, il est aussi possible de vaporiser à l'aérographe une solution d'eau gommée. La meilleure proportion est , selon nous, un tiers de gomme pour deux tiers d'eau. Contrairement à la plupart des autres solutions, ce fixatif, utilisé modérément, n'affecte pratiquement pas la profondeur et la texture des couleurs.

 

 

Conclusion

Toutes les techniques et recettes évoquées dans ce blog sont avant tout indicatives et n'ont en rien force de loi. Seules les finalités et la sensibilité du peintre lui indiquent la marche à suivre...

 

 

 

 

 

 

 

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